Extraits (Suite)

   Le Ventre de Paris (Chapitre 1)

   Le soleil enfilait obliquement la rue Rambuteau, allumant les façades, au milieu desquelles l'ouverture de la rue Pirouette faisait un trou noir. A l'autre bout, le grand vaisseau de Saint-Eustache était tout doré dans la poussière du soleil, comme une immense châsse. Et, au milieu de la cohue, du fond du carrefour, une armée de balayeurs s'avançait, sur une ligne, à coups réguliers de balai; tandis que des boueux jetaient les ordures à la fourche dans ses tombereaux qui s'arrêtaient, tous les vingt pas, avec des bruits de vaisselles cassées. Mais Florent n'avait pas d'attention que pour la grande charcuterie ouverte et flambante au soleil levant.
   Elle faisait presque le coin de le rue Pirouette. Elle était une joie pour le regard. Elle riait, toute claire, avec des pointes de couleurs vives qui chantaient au milieu de la blancheur de ses marbres. L'enseigne, où le nom de QUENU-GRADELLE luisait en grosses lettres d'or, dans un encadrement de branches et de feuilles, dessiné sur un fond tendre, était faite d'une peinture recouverte d'une glace. Les deux panneaux latéraux de la devanture, également peints et sous verre, représentaient de petits amours joufflus, jouant au milieu de hures, de côtelettes de porc, de guirlandes de saucisses; et ces natures mortes, ornées d'enroulements et de rosaces, avaient une telle tendresse d'aquarelle, que les viandes crues y prenaient de stons roses de confitures.

 

Extraits

"...Le Ventre de Paris (1873) est le roman de la nourriture, le roman du combat des gras et des maigres conçus comme deux peuples biologiques s'affrontant à travers l'histoire sociale et donnant toujours l'avantage aux gras, aux puissants, à ces "gredins" que sont les honnêtes gens. Mais ce roman, qui prend pour le cadre les Halles - , alors situées au centre de la capitale, est aussi l'occasion pour Zola de composer des tableaux de matières, symphonies d'odeurs et de nourritures...."