Extraits (Suite)

   Nana (Extrait numéro 2 : Chapitre 7)

   " Tu n'as pas lu l'article du Figaro ?... Le journal est sur la table. "
   Le rire de Daguenet lui revenait à la mémoire, elle était travaillée d'un doute. Si ce Fauchery l'avait débinée, elle se vengerait.
   " On prétend qu'il s'agit de moi, là-dedans, reprit-elle en affectant un air d'indifférence. Hein ? chéri, quelle est ton idée ? "
   Et, lâchant la chemise, attendant que Muffat eût fini sa lecture, elle resta nue. Muffat lisait lentement. La chronique de Fauchery, intitulée la Moucje d'Or, était l'histoire d'une fille, née de quatre ou cinq générations d'ivrognes, le sang gâté par une longue hérédité de misère et de boisson, qui se transformait chez elle en un détraquement nerveux de son sexe de femme. Elle avait poussé dans un faubourg, sur le pavé parisien; et, grande, belle, de chair superbe ainsi qu'une plante de plein fumier, elle vengeait les gueux et les abandonnés dont elle était le produit. Avec elle, la pourriture qu'on laissait fermenter dans le peuple remontait et pourissait l'aristocratie. Elle devenait une force de la nature, un ferment de destruction, sans le vouloir elle-même, corrompant et désorganisant Paris entre ses cuisses de neige, le faisant tourner comme des femmes, chaque mois, font tourner le lait.

 

Extraits

"...Le comte Muffat est chambellan de l'impératrice et Nana sera l'instrument de sa déchéance symbolique, de celle du régime. Mais en dehors de la démonstration politique et morale, ce deuxième passage est aussi un tableau sensuel qui contribua au succès de scandale obtenu par le roman. On pense à Renoir, en particulier pour ces lueurs dotées sur le corps de Nana. ..."