Extraits (Suite)
La Terre (Cinquième partie, Chapitre 5 - Suite)
En effet, pas possible de raconter qu'il s'était mis lui-même dans un pareil
état. Dans leur rage à le pilonner, ils lui avaient fait rentrer le nez au fond de la bouche; et il
était violet, un vrai nègre. Un instant, ils sentirent le sol vaciller sous eux : ils entendaient le
galop des gendarmes, les chaînes de la prison, le couteau de la guillotine. Cette besogne mal faite les
emplissait d'un regret épouvanté. Comment le racommoder, à cette heure ? On aurait beau le
débarbouiller au savon, jamais il ne reviendrait blanc. Et ce fut l'angoisse de le voir couleur de suie
qui leur inspira une idée.
- Si on le brûlait, murmura Lise.
Buteau, soulagé, respira fortement.
- C'est ça, nous dirons qu'il s'est allumé lui-même.
Puis, la pensée des titres lui étant venue, il tapa des mains, tout son visage
s'éclaira d'un rire triomphant.
- Ah ! nom de Dieu ! ça va, on leur fera croire qu'il a flambé les papiers avec lui...
Pas de compte à rendre !
Tout de suite, il courut chercher la chandelle. Mais elle, qui avait peur de mettre le feu,
ne voulut pas d'abord qu'il l'approchât du lit. Des liens de paille se trouvaient dans un coin,
derrière les betteraves; et elle en prit un, elle l'enflamma, commença par griller les cheveux et
la barbe du père, très longue, toute blanche. Ça sentait la graisse répandue, ça
crépitait, avec de petites flammes jaunes. Soudain, ils se rejetèrent en arrière, béants,
comme si une main froide les avait tirés par les cheveux.
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Extraits
"...D'après Zola, l' "héroïne" de ce roman est la terre
elle-même, cette "grande travailleuse" indifférente aux "insectes rageurs" qui s'agitent à
la surface : ici, des paysans de la Beauce, âpres; violents, sensuels, et une famille, les Fouan, dont le père a
de son vivant partagé son bien entre ses enfants et crée ainsi d'inexpiables haines.
..."
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