Extraits (Suite)

   L'Assommoir (Extrait numéro 2 : Chapitre 13 - Suite)

   Puis, on n'avait plus rien entendu. Lantier devait avoir expliqué l'affaire au mari. N'importe, ça ne pouvait plus aller plus loin. Et Boche annonçait que la fille du restaurant d'à côté prenait décidément la boutique, pour y installer une triperie. Ce roublard de chapelier adorait les tripes.
   Cependant, Gervaise, en voyant arriver Mme Lorilleux avec Mme Lerat, répéta mollement :
   " Il est claqué... Mon Dieu ! quatre jours à gigoter et à gueuler... "
   Alors, les deux soeurs ne purent pas faire autrement que de tirer leurs mouchoirs. Leur frère avait eu bien des torts, mais enfin c'était leur frère. Boche haussa les épaules, en disant assez haut pour être entendu de tout le monde :
   " Bah ! c'est un soûlard de moins ! "
   Depuis ce jour, comme Gervaise perdait la tête souvent, une des curiosités de la maison était de lui voir faire Coupeau. On n'avait plus besoin de la prier, elle donnait le tableau gratis, tremblant des pieds et des mains, lâchant de petits cris involontaires. Sans doute elle avait pris ce tic-là à Sainte-Anne, en regardant trop longtemps son homme. Mais elle n'était pas chanceuse, elle n'en crevait pas comme lui. Ça se bornait à des grimaces de singe échappé, qui lui faisaient jeter des trognons de choux par les gamins, dans les rues.
   Gervaise dura ainsi pendant des mois. Elle dégringolait plus bas encore, acceptait les dernières avanies, mourait un peu de faim tous les jours. Dès qu'elle possédait quatre sous, elle buvait et battait les murs.

 

Extraits

"...La fin du roman décrit l'anéantissement progressif de Gervaise. Coupeau, son mari, usé par les poisons de "l'Assommoir", meurt à Sainte-Anne de son delirium-tremens, tandis que Gervaise s'nefonce elle-même dans la misère et la folie. La familiarité du ton fait échapper la scène à la grandiloquence ou à l'artifice, à cette prophétie édifiante, aussi, que nous propose souvent Germinal sur la condition des pauvres. ..."